En ces temps compliqués, nous vous partageons un texte écrit par Pierre Alain LEJEUNE, prêtre à Bordeaux
L’Homme l’entendra-t-il ?
Et tout s’est arrêté…
Ce  monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous  savions tous qu’il courait à sa perte un mais dont personne ne trouvait  le bouton « arrêt d’urgence », cette gigantesque machine a soudainement  été stoppée net. A cause d’une toute petite bête, un tout petit parasite  invisible à l’œil nu, un petit virus de rien du tout… Quelle ironie !  Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais  que va t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ;  après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi  ressemblera notre vie après ?
Après ?
Nous  souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous  déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car  nous aurons redécouvert comme il est bon de s’arrêter ; un long jour  pour goûter le temps qui passe et les autres qui nous entourent. Et nous  appellerons cela le dimanche.
Après ?
Ceux  qui habiteront sous le même toit, passeront au moins 3 soirées par  semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres  et aussi à téléphoner à papy qui vit seul de l’autre côté de la ville ou  aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.
Après ?
Nous  écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il  faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et  convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps  qui prend son temps est une bonne chose. Que l’homme n’a jamais été et  ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité  inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle est la  condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la  sagesse.
Après ?
Nous  applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais  aussi les éboueurs à 6h, les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les  chauffeurs de bus à 9h, les élus à 10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien  écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons  redécouvert le sens du service de l’Etat, du dévouement et du Bien  Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou  d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela  la gratitude.
Après ?
Nous  déciderons de ne plus nous énerver dans la file d’attente devant les  magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme  nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons redécouvert que le  temps ne nous appartient pas ; que Celui qui nous l’a donné ne nous a  rien fait payer et que décidément, non, le temps ce n’est pas de  l’argent ! Le temps c’est un don à recevoir et chaque minute un cadeau à  goûter. Et nous appellerons cela la patience.
Après ?
Nous  pourrons décider de transformer tous les groupes WhatsApp créés entre  voisins pendant cette longue épreuve, en groupes réels, de dîners  partagés, de nouvelles échangées, d’entraide pour aller faire les  courses où amener les enfants à l’école. Et nous appellerons cela la  fraternité.
Après ?
Nous  rirons en pensant à avant, lorsque nous étions tombés dans l’esclavage  d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne  despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après,  nous remettrons l’homme au centre de tout parce qu’aucune vie ne mérite  d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. Et nous  appellerons cela la justice.
Après ?
Nous  nous souviendrons que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de  distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de  religion. Simplement parce que nous appartenons tous à l’espèce humaine.  Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris  que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons aussi nous  transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et  nous appellerons cela l’humanité.
Ecrit par Pierre Alain LEJEUNE, prêtre à Bordeaux
